Cinq questions à une directrice d’ACEF : Micheline Côté

Besoins essentiels
20 juin 2022 •  Par Centraide
Micheline Côté

Passionnée du milieu communautaire, Micheline Côté fait partie des fondateurs de l’ACEF LAVAL, un organisme qu’elle dirige depuis plus de 25 ans.

Elle partage avec nous aujourd’hui les enjeux et les défis actuels de cet organisme, bien évidemment exacerbés par l’inflation et la crise du logement. 

À l’ACEF LAVAL, les équipes dévouées apportent des solutions concrètes aux personnes sur les questions de budget, de crédit, d’endettement et de logement.


Au cours des deux dernières années, en contexte de crise sanitaire et maintenant d’inflation, le portrait des personnes desservies par votre organisme a-t-il changé?

En contexte de crise sanitaire, la clientèle n’a pas vraiment changé. Au début de la pandémie, c’était plus difficile parce que les gens étaient très émotifs et inquiets. On pense que ça pourrait être un reliquat de la pandémie : nous avons une augmentation d’appels de gens à risque d’itinérance, des gens qui ont perdu leur emploi, ou encore leur logement ou résidence suite à un divorce.

En contexte d’inflation, on ne voit pas encore les retombées sur la clientèle. À chaque crise économique, les retombées pour l’ACEF arrivent plus tard quand les gens sont plus mal pris ou plus endettés. Les gens ont souvent tendance à allonger leurs revenus avec leurs cartes de crédit jusqu’à ce qu’elles soient pleines.  Depuis le début de la période d’inflation, au niveau des ateliers d’information que l’on donne dans les organismes et les écoles de Laval, on a plus de demandes pour les ateliers « Budget » et « Bien manger à petits prix ».

« À chaque crise économique, les retombées pour l’ACEF arrivent plus tard quand les gens sont plus mal pris ou plus endettés. »

L’inflation a atteint un niveau record au Canada, soit 6,8 % en avril.

Selon la dernière enquête de Statistique Canada1, 85 % des Canadiens les plus pauvres rapportent que la hausse des prix a « un peu » ou « beaucoup » influé sur leur capacité à assumer leurs dépenses.

24 % des Canadiens auraient ainsi dû reporter « l’achat d’une maison ou l’emménagement dans un logement locatif ».

Le rapport révèle également que 27 % « ont souvent ou parfois eu à emprunter de l’argent pour couvrir leurs dépenses quotidiennes ».

La crise du logement a-t-elle un impact sur les demandes qui vous sont adressées?

Oui énormément! Depuis 2019, la demande d’aide afin de répondre aux locataires qui ont des problèmes a presque triplé.

La crise du logement va bien au-delà de la pénurie; elle ouvre surtout la voie à toutes sortes d’abus de la part de certains propriétaires. Ces derniers tentent par toutes sortes de stratagèmes de rentabiliser leur investissement rapidement (reprise, rénoviction, hausse abusive de loyer, harcèlement, logement illégal, etc.). On assiste à un glissement de valeur : le logement non comme service essentiel, mais le logement comme un bien de consommation. Les loyers sont soumis aux lois de l’offre et de la demande, les coûts sont fixés en fonction de la valeur marchande du bien.

Ces dernières années, les locataires ont perdu leur rapport de force dans la négociation. Les locataires sont de plus en plus victimes de manœuvres illégales. S’ils résistent et font valoir leurs droits, il n’est plus rare de voir les locataires s’exposer au harcèlement ou au chantage.

Les gens ont beaucoup de difficulté à trouver un logement. Les loyers augmentent de plus en plus.  De notre côté, on les incite à essayer de s’entendre avec leur propriétaire afin de garder leur logement. On rencontre aussi un nouveau phénomène : les nouveaux propriétaires ne suivent pas les règles et essaient d’augmenter les loyers de façon abusive.

« On assiste à un glissement de valeur : le logement non comme service essentiel, mais le logement comme un bien de consommation. »

Quelles sont vos recommandations pour gérer un budget en période d’inflation?

Plus de planification. Prioriser les dépenses essentielles : logement, épicerie, transport. Faire un suivi de ses dépenses pour avoir des informations réelles sur les montants dépensés. Planifier son budget de façon mensuelle en commençant par faire des prévisions sur nos revenus et dépenses puis en inscrivant les dépenses réelles. Pour tout cela, il est possible d’être accompagné par une ACEF!

Justement, quels sont les services offerts par une ACEF?

Pourquoi est-ce essentiel de soutenir les ACEF?

Les ACEF sont les seuls organismes à offrir des services en matière de gestion des finances personnelles. Et cela gratuitement et de façon neutre. Si les ACEF ne sont plus subventionnées, elles vont fermer. Et si les ACEF ferment, les gens risquent de se tourner vers des redresseurs financiers.  Ce sont des gens qui annoncent leurs services payants dans les journaux ou sur Internet. Plus l’économie va mal et plus ce genre d’arnaque apparaît.

« Les ACEF sont les seuls organismes à offrir des services en matière de gestion de finances personnelles. Et cela gratuitement et de façon neutre »

Une histoire qui fait du bien

Une femme victime de violence conjugale et économique souhaitait reprendre le contrôle de ses finances. Elle n’avait jamais fait de budget puisque l’ex-conjoint gérait tout sans qu’elle ait son mot à dire.

Petit à petit, une rencontre à la fois avec une conseillère budgétaire de l’ACEF, cette femme a appris à se faire confiance dans la gestion de ses finances personnelles. Elle a réussi non seulement à apprendre une méthode pour gérer son budget, mais aussi à se faire confiance pour faire des choix financiers comme diminuer l’utilisation du crédit tout en épargnant pour les imprévus.

1Enquête Statistique Canada